Comment expliquer le maintien de populations végétales dans des régions hostiles à leur survie ? Dans une publication parue dans Global Change Biology, des scientifiques ont démontré que certains sites abritant des populations marginales pourraient être associés à des microrefuges. Ces zones de faible surface caractérisées par des conditions microclimatiques favorables à la survie de populations en dehors de leur aire de répartition pourraient ainsi modérer les conséquences du changement climatique actuel.
Les microrefuges ont eu une importance primordiale lors des précédentes périodes de changements climatiques, puisqu’ils ont permis la survie d’espèces dans des régions où le climat régional de l’époque ne permettait pas leur maintien. Ces sites seraient conditionnés par la présence d’un microclimat stable, relativement déconnecté du climat régional environnant et de ses fluctuations dans le temps. Ils ont ainsi constitué des territoires d’ultime persistance pour des populations d’espèces alors menacées de perdre l’ensemble de leur niche climatique. Dans le contexte actuel, les microrefuges pourraient atténuer les effets négatifs du changement climatique, en limitant les besoins migratoires de certaines espèces menacées, ne pouvant s’adapter ou migrer avec la même magnitude que le réchauffement global. Nombre d’études ont permis d’identifier et de quantifier l’influence de multiples facteurs topographiques et forestiers pouvant influencer le microclimat et ainsi favoriser la présence de microrefuges. Toutefois, l’hypothèse de l’existence d’un microclimat plus froid au sein des microrefuges restait à prouver.
- Oxalis acetosella en situation de microrefuge
- Crédit : K. Diadema
Pour ce faire, des scientifiques de l’Institut méditerranéen de biodiversité et d’écologie marine et continentale (IMBE – CNRS / Aix-Marseille Université / Avignon Université / IRD)) et du Conservatoire botanique national méditerranéen (CBNMed), soutenus par la Région Sud-Provence-Alpes-Côte d’Azur, ont adopté une démarche « ascendante » innovante, visant à étudier comment les populations actuellement en situation de microrefuges bénéficient de la forte singularité du paysage et des conditions environnementales locales pour subsister, et ce afin de mieux comprendre le fonctionnement de ces microsites si particulier.
L’objectif premier fut d’identifier des sites pouvant être assimilés aux microrefuges actuels d’une espèce, c’est-à-dire là où des populations se maintiendraient de manière isolée dans une région globalement inadaptée à leur survie. Pour se faire, l’étude s’est intéressée aux populations les plus méridionales du Pin de coucou (Oxalis acetosella L.), une espèce herbacée en limite d’aire de répartition dans la région méditerranéenne française. En se basant sur les relevés botaniques effectués par le CBNMed au sein de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, les scientifiques ont identifié les populations disjointes de l’aire de répartition de l’espèce les plus méridionales ainsi que celles situées à des altitudes exceptionnellement basses. Ces populations sont assimilées à des microrefuges actuels pour l’espèce considérée. Les caractéristiques climatiques, paysagères et écologiques de chacune de ces stations ont été comparées à celles d’un site témoin « voisin », situé à seulement 50 à 100 m de distance du microrefuge.
Protocole de suivi mis en place au sein des différentes stations de microrefuges actuels de l’espèce Oxalis acetosella au sein de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur
Crédit : M. Finocchiaro
Cette étude montre que le climat au sein des microrefuges est systématiquement plus froid comparé au voisinage proche, phénomène d’autant plus accentué durant la période estivale. Les microrefuges exceptionnellement bas en altitude sont ceux exprimant les plus forts contrastes avec les sites voisins, avec des différences de températures moyennes journalières atteignant 1,1°C, et qui atteignent même 1,6°C en été pour les températures maximales. Ces sites, dits « abyssaux », sont généralement situés dans des dépressions topographiques et ils se caractérisent par un couvert forestier composé de feuillus leur permettant de bénéficier d’une inversion thermique tout au long de l’année. Les cortèges végétaux répondent clairement à ces contrastes microclimatiques, avec la présence d’espèces à optimums de températures et humidité plus froids et plus humides dans les microrefuges.
Ces résultats font état du lien fort entre microrefuge et microclimat, et mettent ainsi en avant les possibilités pour certaines populations de se maintenir dans des régions de plus en plus inhospitalières, et ce grâce à l’hétérogénéité du climat dans le paysage. La stabilité climatique de ces refuges floristiques reste toutefois à préciser, afin d’évaluer le potentiel de ces microsites à minimiser les impacts du réchauffement sur le long terme.
Voir en ligne : L’actualité sur le site de l’INEE
Marie Finocchiaro, Institut Méditerranéen de Biodiversité et d’Écologie (IMBE – CNRS / IRD / Avignon Université / Aix Marseille Université)
Elodie Brisset, Communication – Institut Méditerranéen de Biodiversité et d’Écologie (IMBE – CNRS / IRD / Avignon Université / Aix Marseille Université)